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Young Lines

Les pros, genre c'est cliché



Les chiffres ne mentent pas


Premier constat : il y a un fossé de genre entre les ASSP et les MELEC. En effet, on compte aujourd’hui seulement 3 filles en MELEC, toutes années confondues, contre 134 garçons. Elles ne représentent donc que 2,2% de la filière dans le lycée (oui on a fait les maths #maths). A l’inverse dans la filière ASSP, la proportion de garçons est très faible : 16 garçons contre 157 filles, donc 10% de garçons au total. Nous pouvons néanmoins observer une évolution croissante (sur les trois dernières années) dans les filières MELEC (+1 fille par année en moyenne) mais l’augmentation est plus marquée en ASSP avec 2 à 3 garçons de plus par an.

Si vous aussi vous aimez les stats, voici la totalité des chiffres gracieusement donnés par Mme Rickauer, la proviseure adjointe et mis en graphiques.

Note explicative : après consultation, la rédaction s’est rendue compte que le choix des couleurs de ces graphiques perpétuaient les stéréotypes de genre (ce qui est à l’opposé de notre démarche)





La racine du problème


Ces chiffres sont la parfaite illustration de la théorie du care mise au point par la philosophe féministe américaine Carol Gilligan. Elle a ainsi théorisé que le care consiste à s’occuper des autres, de se soucier de leur bien être et est donc souvent associé à la maternité. Cette tâche est alors très souvent reléguée aux femmes.

La théorie explique alors la surreprésentation des femmes dans les métiers de l’aide à la personne et de la santé mais aussi dans les métiers d'enseignement en maternelle et en primaire où les professeur.e.s sont souvent vu.e.s comme maternant.e.s et des substituts à la mère.



Crédit : Claire Dahan


La dévalorisation est au cœur de ces métiers. En effet, les compétences des infirmières sont vues comme inférieures à celles des médecins ; une élève d’ASSP aimerait ainsi qu’on arrête de dire “qu’on ne fait que laver des personnes âgées”. Également, les femmes de ménage sont souvent réduites à un métier qui n’est vu que comme un simple prolongement des tâches domestiques. Par exemple, Mme Amal Bachar, professeure de SMS (sciences médico-sociales) en ASSP au lycée souligne qu’il est important d’utiliser des termes professionnels pour les compétences des élèves. Ainsi, “les élèves d’ASSP font des crêpes en cours et du ménage alors qu’il faudrait parler de confection culinaire et d’entretien des locaux.”


Les compétences enseignées en ASSP sont donc différentes du travail domestique même si, contrairement aux hommes, les femmes ont une charge mentale ménagère importante, car elles font leur journée au travail et en entament une autre à la maison pour s’occuper du foyer. On constate que malgré les avancées sociales, que ce soit dans le domaine culturel, familial ou sociétal, ce point de vue perdure. Cet héritage invisible est contingent, c’est-à-dire que les choses pourraient se passer autrement. Mais pour cela, il faut déjà faire prendre conscience de ce phénomène aux gens. Ainsi, ce qui semblait naturel serait remis en question et on pourrait voir apparaître une plus grande parité dans ces filières et métiers très peu mixtes.


L’objectif de la théorie du care est donc de déconstruire les préjugés dans les professions et de normaliser l’entraide au sein du foyer.


Source(s) : Théorie du care



Des filières prédéterminées


Selon les informations de l’ONISEP, chaque baccalauréat professionnel s’obtient à la suite de trois ans en lycée professionnel. Les titulaires de ces diplômes peuvent ensuite s’orienter vers des BTS ou bien entrer immédiatement dans la vie professionnelle.

Leur courte durée est un des facteurs contribuant à la dévalorisation de ces formations.

Cependant, le second problème est, comme nous l’annoncions, la sous représentation d’un genre dans ces filières (hommes en ASSP et femmes en MELEC).

Il trouve ses sources non seulement dans la théorie du care précédemment évoquée, mais aussi dans les discriminations qui en résultent au cours de l’orientation.

Crédit : Le lycée du métier, Le Bréda ALLEVARD


Les élèves de la filière "accompagnement, soins et services à la personne" seront, plus tard, amenés à exercer auprès de familles, d'enfants, de personnes âgées ou de personnes handicapées.

Leur mission sera d'assister ces personnes dans leur vie quotidienne et les aider à maintenir une vie sociale. Dans le cadre de ces activités, ils seront notamment amenés à collaborer avec des professionnels de santé ou des travailleurs sociaux.


Crédit : Pôle formation Adour


Quant aux élèves de la filière "Métiers de l'électricité et de ses environnements connectés", ils se destinent à contribuer à la performance énergétique des bâtiments et des installations. Ils travailleront entourés par la technologie, et la mécanique sera omniprésente dans leur profession.

Ils peuvent aussi coordonner, après expérience, une activité en équipe. Leurs activités professionnelles s'effectuent dans de nombreux secteurs, parmi lesquels les réseaux, les infrastructures, le bâtiment, ou encore l'industrie et les systèmes énergétiques autonomes et embarqués.


On a pu interroger un professeur d'électrotechnique du lycée, Pascal Moratille de la filière MELEC, sur le contraste du genre qui existe entre les ASSP et les MELEC, voici ce qu’il en pense : “En effet, à une certaine époque le métier pouvait présenter des caractéristiques de pénibilité qui s'atténuent voire n'existent plus aujourd'hui. De nombreux métiers de la filière sont tout à fait mixtes. Exemple: domoticien.ne (professionnel.le de l’équipement de la maison), technicien.ne courant faible, automaticien.ne... Le fait qu'il n'y ait pas de parité dans les métiers représente non pas un problème, mais plutôt une anomalie.”

Amal Bachar, quant à elle, résume le problème qui se passe de toute interprétation : "Dans certaines familles, aller en ASSP c’est pour les filles et aller en MELEC c’est pour les garçons."


Ce clivage pourrait s’expliquer par le secteur industriel qui, dans l'imaginaire commun, est majoritairement rattaché aux hommes, ce qui fait naître de nombreux préjugés. Pour Pascal Moratille, ces préjugés n'ont pas lieu d'être. Selon lui, le préjugé "la formation MELEC débouche sur des métiers réservés aux hommes", est "faux" et dit que "d'ailleurs nous rencontrons de plus en plus de femmes dans la filière (aussi bien des enseignantes que des élèves)." Les stéréotypes en ASSP commencent aussi à s’atténuer grâce à une présence plus importante de garçons, attirés par une orientation d'ambulancier ou de pompier que permet la filière.


Pour déconstruire ces représentations figées, nous avons demandé aux professeurs leurs doléances hypothétiques auprès du ministre de l'Éducation Nationale pour promouvoir la mixité dans ces filières. Monsieur Moratille souligne l'utilité de "campagnes d'information sur les différentes filières où l'on insisterait sur le caractère mixte des filières, voire sur la parité souhaitable dans la filière MELEC". La requête du professeur de MELEC s'explique par ce qui est, selon lui, la cause de l'absence de filles en MELEC. Pour lui : "Le souci est lié aux problématiques d'orientation, notamment aux idées préconçues que peuvent avoir certaines personnes, que ce soit les spécialistes de l'orientation, les élèves eux-même, voire les enseignants en collège qui restent sur une vision dépassée des métiers de la filière."

Madame Bachar demanderait plutôt "[d'] obliger les entreprises à recevoir des stagiaires sous peine de sanctions mais bien évidemment d'aider ces entreprises à recevoir des stagiaires". En effet, la filière ASSP a souffert de la crise sanitaire, rendant plus difficile l’accès à des établissements de soins types EHPAD, crèches, maternités…


En définitive, les clichés de genre liés aux formations professionnelles ASSP et MELEC sont causés par les préjugés sociaux, ce qui constitue une pression sur les élèves. Ces préjugés, pensés par la théorie du care, se retrouvent également dans les ménages. Cette distinction entre les genres se reflète dans la vie active, et notamment sur les métiers de la santé et du bien-être, mais aussi ceux de l’électricité. Cependant, cette différenciation commence peu à peu à disparaître, ce qui traduit une évolution des mentalités. Les interviews des élèves des filières ASSP et MELEC nous ont montré que le réel problème n’était pas tant le genre, mais plutôt le niveau dans leurs filières. Comme l’a dit une élève d’ASSP “je devais aller en général mais c’était trop dur”. Un MELEC, quant à lui, remet en cause le préjugé selon lequel “les pros c'est des segpa” (section d'enseignement général et professionnel adapté) et dit que “les gens croient que notre filière est simple en général.”


Alors bientôt une immersion en filière professionnelle pour Young Lines ?



Young Lines s’engage !


Amandine et Enzo: nos ambassadeurs à l’UNESCO


Le 21 mars 2022, nous avons eu l’honneur d’assister à la masterclass contre le racisme et les discriminations à l’UNESCO. A cette occasion, Amandine et Enzo ont pu prendre la parole et expliquer notre projet “0 cliché”, qui consiste à mettre en évidence les inégalités qui existent au sein des filières ASSP et MELEC, à l’ensemble des participants. Nous avons ensuite pu écouter une conférence de la professeure en anthropologie génétique Evelyne Heyer, travaillant au musée de l’Homme. Durant sa présentation, elle définit clairement le racisme, en le découpant en trois points principaux : la catégorisation, la hiérarchisation et enfin l’essentialisation. Une définition claire correspond à une arme contre le racisme, car il devient bien plus aisé de le reconnaître, et par conséquent de le combattre. Nous avons aussi été inspiré.e.s par le discours d’Olivier Rousteing, le directeur artistique de Balmain, qui a également assisté à cette masterclass. Le protagoniste du célèbre documentaire Wonder Boy raconte les discriminations et le racisme dont il a été victime. Ainsi son discours, qui prône le fait d’être uni les uns les autres, a permis aux personnes de prendre conscience du racisme et des discriminations qui existent.


L'équipe Young Lines du Lycée Lucie Aubrac à Pantin

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